AcymbCe
que la majorité des Africains ignorent de Mouammar Kadhafi.
by
Patrick Mbeko on 22nd-octobre-2012
Un jour, j’ai demandé à un compatriote ivoirien s’il savait
pourquoi les Camerounais étaient autant mobilisés au sujet de la crise
ivoirienne, que ne l’ont été les Ivoiriens eux-mêmes? Il m’a répondu qu’il n’en
savait rien. Alors, je lui ai fait comprendre que leur réaction était, avant
tout, très liée à leur passé, leur histoire, et la rancœur
qu’ils entretiennent à l’égard de la France.
Le
Cameroun est l’un des rares pays africains à avoir combattu durement les colons
français. Des centaines de milliers de Camerounais ont péri pour défendre leur
dignité. Cette histoire-là, souvent occultée dans les livres d’Histoire écrits
par qui vous savez, est encore vive dans la conscience collective de la plupart
des Camerounais. C’est pour cette raison qu’ils sont souvent enclins à réagir à
chaque fois que les impérialistes s’investissent à déstabiliser un pays
africain. Pis, c’est un peuple qui s’instruit beaucoup.
Je le dis souvent : nos actions dépendent de notre manière à
lire l’Histoire. Si vous lisez l’histoire dans le sens de ceux qui prétendent
être les « maîtres du monde », alors votre jugement sera orienté dans le sens
de ce qu’ils vous racontent. Voilà pourquoi, par exemple, certains Africains,
s’alimentant auprès de CNN, France 24 ou Radio-Canada, traitent encore
aujourd’hui Mouammar El Kadhafi, de « terroriste », de « fou », de « dictateur
» et que sais-je encore. Peu d’Africains connaissent réellement l’Histoire de
cet homme, l’un des plus grands, pour ne pas dire le plus grand leader
politique, que le monde ait connu. Combien d’Africains savent, par exemple, que
la Libye de Kadhafi a plus investi en Afrique que toutes les institutions
financières occidentales (FMI, BM, Club de Paris, etc.) réunies? Combien de
Congolais savent que l’une des raisons ayant mené au renvoi du jeune Kadhafi de
l’École secondaire de Sebha (au Fezzan) est qu’il organisât une immense
manifestation pour protester contre l’assassinat de Patrice Lumumba? Combien
d’Africains savent, par exemple, que si les État africains ont résisté à
l’entrée de l’Africom sur le continent, c’est parce qu’à chaque fois que les
USA leur offraient des fortes sommes d’argent pour qu’ils acceptent l’Africom,
Kadhafi offrait le double pour les en dissuader? Pourquoi Kadhafi était-il
autant opposé à l’entrée d’Africom sur le continent? Comme on l’a relevé en ce
qui concerne les Camerounais, ce comportement du Guide de la Jamahiriya arabe
libyenne, était lié à l’histoire de son pays. Sous le roi Idriss, le pantin des
Anglo-saxons, le royaume de Libye hébergeait plusieurs bases militaires
américaines et britanniques, notamment la base anglaise d’El Adem, près de
Tobrouk, et la base de Wheelus Field près de Tripoli, où séjournaient quinze
mille agents techniques, civils et militaires américains. Ces bases─ des
états dans un état─ ont servi au ravitaillement des
Israéliens, en armes, en munitions et en vivres durant la guerre de six jours─ c’est
sans compter l’apport déterminant du pétrole libyen qui permit aux tanks de
Moshé Dayan d’infliger une irrémédiable défaite aux États arabes. Nasser, «
l’idole » de Kadhafi, a même voulu se suicider. Le jeune Mouammar gardera un
mauvais souvenir de cet événement; et c’est pour cette raison qu’il fermera ces
bases une fois au pouvoir.
Con Nunu Gentille Uzamukunda, Kisisa Wa Ma Zulu,Hermine Makangu, Michele Noemi Dims, Joe Zenga Pacifique Makangu e Diana Alunga pressoSunderland Bengladesh center.
L’autre grand mensonge inséré dans la tête des Africains ─ et
du reste de la planète d’ailleurs─ sur Kadhafi, c’est celui du parrain
du terrorisme international. On prétend encore aujourd’hui que Kadhafi est le
responsable premier de l’attentat de Lockerbie; pourtant la justice écossaise a
fini par statuer que ce n’était pas le cas, que des enquêteurs se sont livrés à
des manipulations avec l’assistance de la CIA. Un des témoins clés dans
l’affaire LOCKERBIE, l’ingénieur suisse Ulrich Lumpert a complément lavé la
Libye de tout soupçon dans cette affaire. « Je pense qu’on a essayé de modifier
la pièce à conviction intentionnellement. Je pensais que cette pièce devait
servir à accuser la Libye, on voulait la rendre coupable pour des raisons
politiques mais ce retardateur a été intentionnellement ajouté après coup aux
pièces à convictions », a déclaré M. Edwin Bollier, le patron de Lumpert. Et il
n’est pas le seul à penser ainsi. En 2005, selon un ancien haut responsable de
la police écossaise, désirant rester anonyme et qui avait participé à
l’enquête, la CIA avait « écrit le scénario » accusant la Libye. La pièce à
conviction décisive, le fragment de détonateur qui a fait l’actualité à
l’époque, aurait été monté de toute pièce par des agents de la CIA qui
enquêtaient sur l’attentat. Pourtant pendant plus de 20 ans, ce pays a subi un
embargo sans précédent des USA et de leurs alliés.
On prétend encore aujourd’hui que la Libye de Kadhafi est
responsable de l’attentat contre le vol UTA 772 survenu au-dessus du désert du
Ténéré alors qu’il est maintenant connu que cela n’est pas vrai non plus, que
les auteurs étaient Iraniens et dans une moindre mesure Syriens, mais pour des
raisons liées à la géopolitique de l’époque─ les
USA voulaient envahir l’Irak et avaient besoin de l’appui irano-syrien─,
on trouva un bouc émissaire commode : la Libye de Kadhafi. La FBI et la CIA
manipulèrent l’enquête avec l’aide de quelques responsables du Congo-Brazza
pour empêcher que la justice ne remonte aux principaux commanditaires. Les
déclarations du journaliste d’investigation français Pierre Péan, qui a enquêté
sur cette affaire pendant plusieurs années, en disent long : « Ce que j’ai
trouvé est littéralement inouï. J’ai eu moi-même parfois du mal à croire à ce
que je découvrais. » Une terrible histoire de manipulation à la sauce
américaine, constituant une aubaine pour les dirigeants français empêtrés dans
des transactions clandestines douteuses afin de faire libérer les otages
français détenus au Liban contre promesses faites à l’Iran et au Hezbollah.
On nous a aussi dit que Kadhafi battait tous les records
d’abus des droits humains, que sous son règne, les femmes n’avaient pas de
droit─ c’est d’ailleurs ce que confirme
Annick Cojean, journaliste au Monde dans un livre-torchon qui vient de
paraître. Questions : sur quels éléments se basent les organisations qui
prétendent que sous Kadhafi, les abus des droits humains étaient systématiques?
Comment comprendre que le peuple libyen, soi-disant soumis à la terreur de son
Guide, ait choisi de rester dans son pays, à la place de demander asile comme
le font la plupart des Africains soumis aux diktats des régimes tyranniques,
clients de l’Occident? Comment comprendre qu’au moment même où les terroristes
de l’OTAN bombardaient la Libye, près de 90% de Libyens soutenaient leur Guide
selon un magazine maghrébin? Les Libyens sont-ils masochistes à ce point? Ou
les « faiseurs d’opinions », au service des intérêts obscurs, ont voulu nous
mener en bateau? Était-il dictateur selon les Occidentaux et leurs laquais
africains ou selon le peuple libyen? S’il l’était réellement, était-ce aux
Occidentaux de le faire partir ou cette tâche n’incombait-elle pas aux seules
populations libyennes? Pourquoi les Libyens acceptent-ils de former un bouclier
humain pour défendre leur leader si diable était-il? Hier, des bombardiers
canadiens ont dû annuler une mission sur Tripoli car confrontés à une foule immense
venue défendre son Guide. Les faits parlent d’eux-mêmes.
Quant aux droits des femmes, que disent donc les faits? Avant
l’arrivée de Kadhafi au pouvoir, les femmes n’avaient pas vraiment de droit. À
peine arrivé au pouvoir, le colonel Kadhafi remet en question les
interprétations archaïques des oulémas concernant les femmes. « Farouchement
progressiste, il est convaincu que l’émancipation de la société passe par elles
» écrit Hélène Bravin, auteur d’un livre paru l’année dernière sur le Guide de
la révolution libyenne. Pour lui, les femmes doivent travailler sans renier
pour autant la tradition. Ses chevaux de bataille seront la polygamie, les
conditions du divorce, le célibat dans le cas où les mères ne peuvent élever
leurs enfants─ il donnera lui-même l’exemple en
divorçant de sa première femme, Fatiha, la fille du chef de la police royale
d’Idris 1er. Une pension alimentaire est imposée aux hommes divorcés. L’une des
grandes réalisations sociales au cours de l’année 2010 a été l’exécution en
octobre d’un programme de lutte contre les violences conjugales sous la
supervision du service de protection de la famille et des femmes victimes de
violence relevant de l’Association caritative libyenne Waatassimou. Après la
mort de Kadhafi, les « grands démocrates » du Conseil national de transition
(CNT), soutenus par leurs amis de l’OTAN, ont annoncé les couleurs de la
nouvelle Libye : la législation du pays sera fondée sur la loi islamique, la
charia. Fin du divorce et retour de la polygamie. Les femmes libyennes sont
servies.
Autres
choses qu’on ne vous dit pas de la Libye sous Kadhafi : l’électricité et l’eau
à usage domestique étaient gratuites, le coût de la vie en Libye était beaucoup
moins élevé que dans plusieurs pays occidentaux, si pas tous; les banques
libyennes accordaient des prêts sans intérêts; les citoyens n’avaient pas
d’impôts à payer, et la TVA n’existait pas; l’État a investi beaucoup d’argent
pour la création de divers emplois; le PIB/hab était de 13300$, 81è rang
mondial, donc avant l’Argentine, l’Afrique du Sud et le Brésil. Le taux
d’alphabétisation moyen était de 82.6 %, le principal atout du système éducatif
libyen était d’être gratuit et de permettre aux meilleurs étudiants de
poursuivre leurs études supérieures (doctorat voir master) à l’étranger en
bénéficiant d’une bourse du gouvernement. Tout étudiant diplômé recevait le
salaire moyen de la profession du cursus choisi s’il ne trouve pas d’emploi. Le
pays a instauré un programme de prestations sociales lancé en mars 2008 par
Mouammar Kadhafi. Sur le plan social, l’année 2010 a été couronnée de succès
selon le premier rapport sur les Objectifs du millénaire pour le développement
(OMD). La Libye n’avait pas de dette contrairement à la France (233 milliards
$), aux USA (16000 milliards$), au Canada et à la Grande-Bretagne. Le prix pour
l’achat d’une voiture était au prix d’usine; lorsqu’un couple se mariait,
l’État payait le premier appartement ou maison (150 mètres carrés). Il existait
des endroits nommés « Jamaiya », où on vend à moitié prix les produits
d’alimentation pour toute famille nombreuse, sur présentation du livret de
famille.
Pour
un tyran dans un pays sous embargo pendant des années, c’est quand même
étonnant comme politique sociale!
Beaucoup
d’Africains ont souvent avancé que Kadhafi est un fauteur de trouble impliqué
dans la déstabilisation de plusieurs pays du continent. Cette assertion en
apparence exacte, souffre néanmoins d’une analyse objective élargie de la
politique étrangère libyenne dans les années 70-80. Car l’intervention de la
Libye dans plusieurs pays africains fut motivée par un facteur important que
nombre d’observateurs n’ont presque jamais pris en compte : la lutte contre
l’influence israélienne, puisque qu’au début des années 1970, plus de vingt
États d’Afrique sub-saharienne sont liés par des accords de coopération avec
Tel-Aviv qui, en outre, disposait sur place de quelques 2800 experts en tous
genres, représentant 60% de l’effectif total des coopérants israéliens présents
dans les pays en voie de développement. Comme l’écrivit le journal israélien
Haaretz, le 8 décembre 1972, Tripoli a réussi non seulement à saper les
relations d’Israël avec l’Afrique noire, mais également à démystifier la
capacité de l’État hébreu à répondre efficacement aux pressions politiques
provenant de ses adversaires arabes. » Le point culminant de cette offensive
libyenne a été la rupture des relations entre Israël et nombre d’États
africains à la mi-1970. Le Tchad sera également le lieu d’un affrontement larvé
entre la Libye et les puissances occidentales en tête desquelles les États-Unis
et la France.
Le
20 octobre 2011, Mouammar El Kadhafi, le guide de la révolution libyenne, est
assassiné par des membres des forces spéciales occidentales et leurs alliés
d’Al-Qaïda, dans la ville de Syrte. Mais avant de l’abattre comme un chien,
sans égard pour le droit international, l’OTAN qui a piloté l’opération du
début à la fin, a tenu à massacrer des dizaines de milliers de civils libyens;
elle a réduit la Libye en cendre au nom de ses « nobles principes démocratiques
». Un an après le carnage, la Libye peine à se relever; des groupes armés
pullulent comme des champignons, le nettoyage ethnique des noirs se poursuit à
rythme effréné, le pays est bord de l’éclatement… Et pourtant, les «
enseignements de la démocratie de marché» de la première agence terroriste de
la planète (OTAN) nous avaient promis monts et merveilles, une Libye nouvelle
et prospère.
Un an après sa mort, Kadhafi est encore vu par certains
Africains comme le « terroriste », le « maître déstabilisateur » de plusieurs
pays africains, le « fou », le dirigeant fantasque qui vouait une haine
démesurée envers l’Occident. Ces Africains reprennent à leur compte le discours
des médias occidentaux, outils des mêmes impérialistes─ qu’ils
critiquent à longueur de journées─ qui assujettissent le continent noir
depuis maintenant deux siècles. À qui la faute ? À l’hégémonie culturelle
occidentale dans laquelle baignent plusieurs d’entre nous et à notre propre
paresse intellectuelle. Souvent, nous reconduisons le discours dominant et
convenu des élites occidentales et de leurs machines à mensonges (médias,
experts, et autres), sans un minimum d’esprit critique.
Par
PATRICK MBEKO
Incollato
da <https://www.facebook.com/photo.php?fbid=565725176826861&set=a.518879714844741.1073741828.513978695334843&type=1>
http://saragio.wordpress.com/2011/05/13/come-derubare-un-paese-umanitariamente/
http://saragio.wordpress.com/2011/05/13/come-derubare-un-paese-umanitariamente/
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